LA BURKA EN FRANCE,PRIVATION DE LIBERTES OU VECU D'UNE FOI?
LA BURKA EN FRANCE,
Privation de libertés ou vécu d’une foi?
Ce sont les discours du Président Nicolas Sarkozy face aux parlementaires en Juin 2009 puis en janvier 2010 et le débat sur l’identité nationale en France qui m’ont décidé à faire ces réflexions.
L es discours rappellent la douleur de la société Française dans son histoire de laïcisation. Si le cléricalisme ne menace plus, estime le Président Sarkozy le 22 juin 2009 à Versailles, « nous le sommes davantage par une forme d’intolérance qui stigmatise toute appartenance religieuse. Je le dis en pensant en particulier aux français de confession musulmane. » Le disant, il relance le débat opposant les défenseurs de l’Islam de France à ceux de l’Islam vécu par d’autres, en l’occurrence les Arabes, voire les Maghrébins. Cet Islam de France, à l’instar de l’Eglise Gallicane, doit se teinter d’une sorte de culture française. Sans aspirer au même statut que les religieux Catholiques et protestants, ses Imams sont formés par l’Eglise Catholique. A ces Imams et leurs fidèles « français de confession musulmane », le Président Sarkozy dit s’associer et conseiller : « nous ne devons pas nous tromper de combat.» A l’analyse, « dans la République », c’est cette « religion musulmane (l’Islam de France qui) doit être autant respectée que les autres religions.»
Les islamophobes insinuent, la tête sous le sable, que l’Islam violerait les droits et nierait la dignité des musulmanes notamment, et les obligerait à se vêtir comme le leur imposeraient leurs parents et leur mari, et non comme ce que leur recommande leur foi. La burka deviendrait à ce titre, aux dires du Président Sarkozy tête de liste de ces islamophobes, « un problème de liberté et de dignité de la femme. C’est un signe d’asservissement, c’est un signe d’abaissement.» A cet égard, le Président Sarkozy fait de la porteuse du voile intégrale, une persona non grata : «solennellement, dira-t-il, la burka n’est pas la bienvenue en France. Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale. Privées de toute identité. Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de la dignité de la femme.»
En attendant l’avis des parlementaires français sur la question, nous musulmans non français nous invitons dans ce débat, qu’il soit sur la laïcité, «la liberté ou sur la dignité de la femme »…..
LA LIBERTE ET LA DIGNITE DE LA FEMME COMME CELLES DE TOUTES LES PERSONNES
Après avoir été votée à l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies (O.N.U), la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen a valeur de constitution en France, depuis la décision du Conseil Constitutionnel de ce pays, en date du 16 Juillet 1971. Après le vote, l’Assemblée Générale a souhaité une charte des droits de l’homme qui aurait force obligatoire. Ainsi furent rédigés et adoptés deux (2) textes complémentaires :
Le premier, à l’article 11. 1. « Les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les Etats parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie. »
Le second, à ses articles 26 et 27 :
Article 26 : « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »
Article 27 : « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. »
Toutefois, en ratifiant ce texte le 4 Novembre 1980, la France a émis une réserve à l’article 27, au nom de l’universalisme républicain. La compréhension française de l’universalisme républicain estime que la nation française étant « une et indivisible », les minorités ethniques, culturelles, linguistiques ou religieuses n’y auraient pas droit de cité.
La France, berceau de la déclaration des droits de l’homme et des citoyens, Etat partie au Pacte International relatif aux droits civils et politiques doit :
« Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles.»
Si « le problème de la burka n’est pas un problème religieux » comme le prétend le Présent Sarkozy, mais, « …un problème de liberté et de dignité de la femme », il devient loisible de poursuivre toutes personnes présumées coupables de ces actes de privation de droits et de libertés devant les juridictions françaises. Les suspects légitimes du Président Sarkozy étant les géniteurs et conjoints de ces « femmes (supposées) prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité ».
A contrario, ces femmes porteuses de voile intégrale devraient intenter un procès contre le Président Sarkozy, pour violation de leurs droits et libertés de porter des vêtements de leur choix, autrement dit, des habits que leur recommande leur foi et/ou leur culture.
Au surplus, si le Président Sarkozy conseille aux représentants du peuple français, les députés, de ne pas avoir honte de leurs valeurs et de ne « pas avoir peur de les défendre », bien que vivant en France, les femmes porteuses de la burka ont, elles aussi, une culture à laquelle elles restent fermement attachées et dont elles sont fières.
Soit dit en passant, depuis la déclaration du Président Sarkozy au parlement réuni en congrès à Versailles, le lundi 22 juin 2009, jusqu’à sa présentation de vœux de nouvel an aux parlementaires en janvier 2010, aucune enquête n’a encore montré une femme non musulmane arborant la burka ou une musulmane sous la contrainte la portant.
DE LA QUESTION DU VOILE DE LA FEMME EN ISLÂM
En France, « la question de l’Islâm, écrivent Daniel Le Feuvre et Michel Renard, n’a pas été traitée en correspondance avec les principes de la République, avec les principes de la laïcité ». (L’HUMANITE 20 janvier 2004).
De ce constat, on se rend compte que le Président Sarkozy, certains élus et militants de l’UMP n’ont pas évolué. Même si aux antipodes du contexte et des textes des révélations coraniques, certains panégyristes des innovations injustifiables ont souvent soutenu, sans preuve, que l’Islâm n’a jamais recommandé à la femme de se voiler, le voile pour la femme serait une coutume arabe que des fondamentalistes islamistes prêteraient à la tradition musulmane.
A leur intention et à celle de ceux et celles qu’ils ont pu convaincre, il faut rappeler quelques hadiths et versets coraniques relatifs au port du voile (intégral ou partiel) par la femme comme élément de protection contre l’impudeur, symbole d’obéissance à Allah et à Son Prophète Muhammad (prière et salut sur lui).
« Dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, de ne montrer que le dehors de leur parure, de rabattre leur voile sur leur poitrine… » Coran, sourate XXXIV, la lumière, verset 31.
« Restez dignement dans vos demeures, ne vous exhibez pas à la manière des païennes d’autrefois… » Coran, sourate XXXIII, les ligues, verset 33.
« Prophète, dis à tes femmes et à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leur grand voile. C’est le meilleur moyen pour elles d’être reconnues et de n’être pas offensées, car Dieu pardonne, Il a pitié ». Coran, idem, verset 59.
Chaque religion a son éthique. En Islâm, la pudeur en fait partie. Selon Ahmad et Abou Dawoud, l’Envoyé d’Allah Muhammad (prière et salut sur lui) a dit : « Certes, Allah le Très Haut est pudique, discret. Il aime la pudeur et la discrétion. » Il dit encore : « Toute femme qui ôte son vêtement en dehors de sa maison, verra sa protection enlevée par Allah le Très Haut. » Selon l’Imâm Malik et Ibn Mâdja, le Prophète Muhammad (prière et salut sur lui) a dit : « la pudeur fait partie de la foi et ensemble, l’une ne peut être en l’homme sans l’autre ».
Le cadre de cette modeste réflexion est insuffisant pour dire le contexte et les commentaires relatifs à ces versets et hadiths.
En quoi, une personne qui, de son propre chef, choisit de s’habiller en burka serait-elle asservie, en retard sur la modernité, privée de toute identité, de liberté et de dignité, « prisonnière derrière un grillage, coupée de toute vie sociale » ? Si tel est son choix, a-t-elle moins de droits que ces femmes et ses hommes qui, de façon consciente choisissent au nom d’une sorte de liberté en amour, de convoler en juste noce avec des personnes du même sexe qu’eux ? Ou plus ou moins de droits que ceux et celles qui préfèrent la chasteté et le célibat pour des convictions religieuses?
EN CONCLUSION
Les discours du président Sarkozy en Juin 2009 et en Janvier 2010 montrent à quel point sa culture politique le rapproche du Front National de M. Le Pen. Pour lui et la poignée de militants agités de l’UMP, tout ce qui est contraire à la culture gallicane est antirépublicain et communautariste parce que uniquement propre à celui ou celle qui s’en réclame.
Les femmes peuvent flâner dans les rues de Paris à moitié nues sans qu’elles ne soient interpellées pour atteinte à la pudeur. Le Président Sarkozy peut paraître en culotte à la télé sous le regard du monde entier, entrain de faire son footing, sans choquer ceux et celles qui n’ont rien à voir avec ses jambes et ses cuisses. Cependant, quand des femmes choisissent, au nom de leur religion, de se couvrir tout le corps, l’UMP braque l’opinion nationale française et internationale sur elles, les dénigre sous prétexte qu’elles ne sont pas modernes, qu’elles sont anti françaises, qu’elles sont assujetties…
Si la société française incarnait la somme des différentes identités présentes sur son sol, en plus d’être le berceau de la déclaration des droits de l’homme, la France serait la source de la multiculture universelle.
Enfin, même si dans le but de sévir, « l’intégrisme républicain » prôné par le Président Sarkozy tente de faire d’un vécu de la foi une privation de liberté, le débat sur l’acceptation des différences en France peut être transformé en défense des droits de la personne.
En la matière, « tous les êtres humains ont droit au respect de leur liberté de conscience et de sa pratique individuelle et collective. Ce respect implique la liberté d’adhérer à une religion ou à des convictions philosophiques (notamment l’athéisme et l’agnosticisme), la reconnaissance de l’autonomie de la conscience individuelle de la liberté personnelle des êtres humains des deux sexes et leur libre choix en matière de religion et de conviction. Il implique également le respect par l’Etat, dans les limites d’un ordre public démocratique et du respect des droits fondamentaux, de l’autonomie des religions et des convictions philosophiques » Article 1 des principes fondamentaux de la Déclaration Internationale sur la laïcité au XXIème siècle.
Loin d’être réglée de façon immuable et rejetée dans l’impensé, la question de l’équilibre entre l’héritage historique de la France et le pluralisme culturel évolutif dû à la présence sur le sol français de personnes d’origines diverses doit faire l’objet de débats démocratiques plus sérieux que les perlimpinpins proposés par l’UMP à l’opinion